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L'article à lire pour comprendre la crise actuelle de l'immobilier

April 22, 2024


L'article à lire pour comprendre la crise actuelle de l'immobilier

Avec des taux d'emprunt autour de 4% et des prix qui reculent difficilement, le marché tourne au ralenti depuis plusieurs mois. On vous explique pourquoi. Des taux d'emprunt qui s'envolent, des banques plus frileuses pour accorder des crédits, un secteur de la construction en berne... Le marché de l'immobilier s'est progressivement grippé depuis l'automne 2022. Le nombre de transactions immobilières a baissé de 18%entre septembre 2022 et septembre 2023.

Après des années d'emballement, "on observe une rupture".Ce ralentissement du marché est-il durable ? Jusqu'où les taux vont-ils encore grimper ?  

Pourquoi les taux ont-ils bondi ?

Ces dernières années, les taux d'emprunt avaient progressivement baissé, jusqu'à atteindre un niveau très attractif pour les acheteurs, autour de 1.5% en moyenne depuis 2018. "On s'était habitués à des taux très bas, à de l'argent gratuit, c'est ça qui alimentait le marché immobilier", remarque Vincent Reynaerts administrateur de RFCgroup.  Sous l'effet de l'emballement des cours des matières premières, puis de la guerre en Ukraine, l'inflation s'est rapidement propagée à l'ensemble de l'économie. Pour limiter l'envolée des prix, la Banque centrale européenne (BCE) a remonté à plusieurs reprises ses taux directeurs, c'est-à-dire les taux auxquels elle prête de l'argent aux banques commerciales. Ces dernières ont à leur tour répercuté ces augmentations sur les particuliers. Fin novembre, le taux moyen des crédits immobiliers s'établissait ainsi autour de 4,3%.

En parallèle, les banques sont aussi devenues plus regardantes sur l'octroi des crédits. Pour lutter contre le surendettement.

Qui sont les plus pénalisés par ce durcissement ?

Mathématiquement, la hausse des taux diminue la capacité d'emprunt des ménages. D'après les calculs de RFCgroup un couple avec 4 200 euros de revenus par mois ne peut plus emprunter que contre 320000 euros sur 25 ans avec un taux à 3.5%, contre 400 000 euros avec un taux à 1,5% en 2021. Et les ménages qui souhaitent acheter leur premier logement, souvent de jeunes couples, sont les plus lésés par la hausse des taux. "Aujourd'hui, le marché immobilier exclut les primo-accédants, On ne leur demande pas uniquement d'avoir une situation fiable, mais aussi d'avoir un apport personnel important, autour de 20% [du prix du bien]".  "A moins d'avoir un environnement familial qui puisse vous aider à financer cet apport, vous êtes de facto mis de côté sur le marché l'acquisition."

Une situation qui freine l'accession à la propriété des moins aisés. "La part des ménages modestes au sein des primo-accédants dans la production de crédits a baissé de dix %" ces trois dernières années. Ces profils n'ont pas la capacité financière pour faire face à la hausse des taux, "sauf à acheter des logements 20% plus petits", observe Vincent Reynaerts.

Comment les prix ont-ils évolué ces derniers mois ?

Malgré le repli du nombre d'acquéreurs potentiels, de nombreux vendeurs sont encore réticents à revoir franchement leurs tarifs à la baisse. Les prix de l'immobilier ont légèrement reculé sur un an en décembre. Ce repli, bien que timide, traduit néanmoins l'avènement d'un "nouveau cycle". "Il faut comparer avec les années précédentes, durant lesquelles on observait des hausses de 5% à 10 % sur un an."

Quid des logements neufs ?

Le marché du logement neuf traverse une "crise" encore plus grande que dans le secteur de l'ancien, s'accordent les experts. En plus de la baisse du pouvoir d'achat des acquéreurs, les promoteurs sont confrontés "au renchérissement important des coûts de construction. Les ruptures d'approvisionnement durant la crise sanitaire, puis la guerre en Ukraine, ont contribué à gonfler les cours des matières premières. En parallèle, l'entrée en vigueur début 2022 de nouvelles normes environnementales, qui obligent les bâtiments à être mieux isolés, a engendré un surcoût de 7 à 8% pour les constructeurs. Les réservations de logements neufs au troisième trimestre 2023 ont quant à elle chuté de 30% par rapport à la même période l'année précédente.

Faut-il reporter un projet d'achat ?

Bien loin des mois qui ont suivi la crise sanitaire, marqués par les envies de déménagement post-confinements et des taux alléchants, le marché immobilier est à présent dans une forme d'"attentisme". Les transactions sont principalement le fait de ménages en "mobilité forcée", contraints de vendre ou d'acheter à la suite d'une mutation professionnelle ou d'une séparation par exemple. "Pour le reste, les acheteurs préfèrent reporter leur projet en attendant de voir si les taux vont baisser et si les prix des biens vont vraiment s'ajuster", poursuit l'économiste. Les spécialistes interrogés ne conseillent pourtant pas nécessairement de renoncer à acheter dans cette période. Sur un marché avec moins d'acquéreurs, "les acheteurs solvables" ont les armes pour négocier et "faire baisser le prix à des vendeurs qui sont encore trop haut". Il y a quatre ans, les vendeurs faisaient la loi sur le marché. Maintenant, ce sont les acheteurs solvables qui ont les cartes en main.

Un mauvais diagnostic de performance énergétique (F ou G) engendre une décote de 5% à 14% du prix du bien". Un investissement qui peut s'avérer intéressant à condition de bien estimer le coût des travaux et de prendre en compte les aides à la rénovation. Par ailleurs, "même en achetant en ce moment avec un taux à 3.5 %, vous pourrez toujours renégocier votre crédit quand les taux baisseront", rappelle Vincent Reynaerts. En résumé, "si rien ne sert de se jeter sur le marché, être en veille et continuer d'avancer sur son projet immobilier n'est pas forcément une mauvaise idée", défend-il.

Vous pouvez me faire un résumé ?

Sous l'effet de l'inflation, la Banque centrale européenne a augmenté les taux auxquels elle prête de l'argent aux banques des particuliers. Si le crédit immobilier a longtemps été très abordable, encourageant ainsi l'achat, les taux d'emprunt ont augmenté en 2023 pour atteindre autour de 4%. Conséquence de cette politique : la capacité des ménages à emprunter s'est réduite. Le marché est désormais dans une forme d'attentisme que les banques prêtent plus facilement de l'argent ou que les prix baissent.